mercredi 12 juin 2013

Premier rendez-vous au CAMSP: blues et spleen

Hier matin, je t'ai dit que tu allais faire de la gymnastique à l'hôpital des enfants, petit ange d'amour. Nous avions enfin notre premier rendez-vous de suivi de grand prématurité. Non seulement la dame est ponctuelle mais très professionnelle. Elle fut très étonnée que nous n'ayons eu aucun suivi auprès d'un CAMSP parisien,  et qu'aucune consultation spécifique n'ait été faite Elle t'a beaucoup observé: ta façon de te déplacer, d'occuper l'espace, de t'approprier les objets, ton élocution...On a essayé ensemble de décortiquer le peu d'information que nous avons sur ton hospitalisation et suivi. Port Royal n'a toujours rien transféré. Reparler de tout ça- les hormones aidant- m'a replongée dans cette douloureuse période, apparemment peu cicatrisée. Rafaël a passé son "contrôle technique" avec une patience et un calme qui lui sont propres. Elle a noté avec insistance sa joie de vivre et le fait qu'il est très à l'aise avec lui même (= épanoui). Elle a vu tout de suite ses problèmes d'équilibre au niveau des jambes, qui ne s'est pas entièrement résorbé. Après de multiples manipulations, elle a déduit que tu avais une raideur dans la jambe gauche (= laxe), conséquence de ton pied valgus à droite et de tes chutes encore régulières. Quand elle m'a annoncée qu'une minuscule lésion de ton cerveau avait dû être touchée à ta naissance, je fus assommée. J'ai pleuré, beaucoup pleuré. Très fréquent chez les grands prémas, que nous pourrions le vérifier avec un IRM sous anesthésie générale, mais à 99% elle est certaine que c'est une séquelle de ton arrivée très précoce. La médecine peut t'aider mais tu ne retrouveras jamais cet équilibre, puisque cette minuscule partie de ton cerveau est morte. J'ai reçu cette information avec une violence infinie. On nous a tellement répété que tout allait bien depuis le début, de ne pas nous inquiéter, de le laisser grandir et vivre, j'ai failli tressaillir. Puis elle m'a sourit. Rien de grave, il peut jouer et faire du sport comme tous les enfants de son âge, mais plus maladroitement. Ce ne sera jamais un grand champion, exit le futur Rafaël Nadal ou Camille Lacour, mince alors. J'ai souri aussi. Nous voyons un orthopédiste la semaine prochaine sur ces conseils pour le port de botte la nuit. J'ai beaucoup pensé à toi Emilie et surtout à Léo. C'est comme faire machine arrière, le docteur F. a rectifié tout de suite: non, c'est l'accompagner au mieux pour le soulager un peu. Ce n'est ni douloureux ni gênant, c'est juste la vision de la botte qui choque les parents. Parmi les nombreuses questions, une revient régulièrement chez les spécialistes de la prématurité: votre fils ronfle t-il la nuit? Il a fait de nombreux grognements étant petit mais il ne semble plus grogner ni ronfler depuis longtemps. Oui, il transpire un peu et il bave beaucoup. Verdict: à l'auscultation, sa motricité bucco faciale n'est pas mature, il fait peut-être de l'apnée du sommeil. Deuxième coup de massue. Il faudra le surveiller pendant son sommeil, avant son prochain rendez-vous pneumologie. Rester 10 minutes à côté de son lit et l'écouter respirer, plusieurs fois dans la nuit. Pas d'inquiétude,elle a dit peut-être et, si jamais c'est le cas, ça n'a rien à voir avec l'apnée du sommeil chez l'adulte.Alors pourquoi m'en parlez-vous Docteur, pourquoi? Après 1h30 de consultation, nous avons longé les allées de l'hôpital Pellegrin. Prise de honte de verser tant de larmes pour une légère "séquelle" alors que nous croisons des jolies têtes blondes et brunes d'enfants atteints de graves maladies. J'ai pensé à Lucas, blog magnifique sur lequel je me suis arrêtée quand je cherchais un prénom garçon pour Minichoue. J'ai pensé à la vie de mamans qui s'écroule quand on doit accompagner son enfant en chimio pendant des années et garder l'espoir. Dans notre détresse, nous trouvons toujours des situations bien plus tragiques. J'ai évacué jusqu'au retour à la maison avec la douce voix mélodieuse de Rafijoli qui me dit "elle pleure maman". Je pleure mon chéri, parce que tu n'as pas choisi de naître (mais de vivre oui). Je pleure car c'est moi qui t'ai donné la vie. C'est moi qui t'ai donné ce début de vie laborieux, douloureux avec de petites séquelles. C'est encore moi qui dois protéger ta petite soeur des risques d'une naissance prématurée. C'est moi et tant d'autres mamans qui avons la lourde responsabilité de vous porter, de vous protéger ou d'accepter votre naissance avant terme. Alors surtout, amis, famille, inconnu, cessez de nous dire que la prématurité est derrière nous. Le chemin est encore long et  les rebondissements nombreux. Les traces de cette période resteront à jamais graver dans nos cœurs et dans nos mémoires de parents. Cette nouvelle grossesse avec cette épée de damoclès me rappelle combien il est important que tu restes dans ma couveuse naturelle ma petite chérie.
Rafaël, la nuit dernière, je t'ai écouté respirer deux fois pendant ton sommeil. Tu dormais paisiblement et sereinement. J'étais rassurée. J'ai peu dormi, encore imprégnée par ce rendez-vous médical. Je vais t'observer quelques nuits encore mais tu ne sembles pas souffrir d'apnée du sommeil. Je t'aime de tout mon coeur Rafaël d'amour.
Un peu de détente après tant d'émotions


Ah mes petites voitures CARS...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Carine,

Comme je te comprends, je parlerai volontiers en privé des séquelles de prémas, je connais si bien (amelie a la meme chose ;-)) N hésite pas

bisous

Cécile

Johanna a dit…

Je suis émue par ton texte Carine. Difficile de parler à l'entourage, Nathan à maintenant 3 ans. Quelques jours après l'arrêt du blog, lors d'un rdv "bilan" nous avons eu 2 alertes : l'une sur le plan moteur (ne saute pas à pieds joints et manque d'équilibre)et l'autre pour le langage (mauvaise prononciation). Nathan doit donc faire un bilan psychomoteur et il voit une orthophoniste (pour l'aider à faire certains mouvements de bouche) depuis peu. Tout allait bien, et 3 ans après, la prématurité revient en pleine face. Au fond de moi, je pense qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter,je me dis que ces divers soutiens permettront à nos enfants de mieux appréhender les différents apprentissages.
PS : je t'envoie un mail dans quelques temps. Bisous à vous 4.

Carine a dit…

Cécile, avec plaisir pour échanger par mail: carineverte-2@yahoo.fr. Merci beaucoup d'être là depuis le début.
Johanna, je suis désolée que la prématurité revienne en surface chez vous et pour Nathan. J'ai essayé de prendre du recul depuis ce post. N'associe t-on pas tous les décalages (mêmes mineurs) à la prématurité de nos enfants justement? S'ils étaient à termes les docteurs focaliseraient-ils autant? H^te de lire ton mail. Plein de courage. Bisous à toutes les deux

Anne-Laure a dit…

Bonjour Carine,
oui, la prématurité ne s'efface pas automatiquement au bout de x mois... Mais comme tu l'as toi même si bien vu, les séquelles de nos loulous sont finalement bien peu par rapport au miracle de les avoir auprès de nous, en vie, en relativement bonne santé... Je sais que Madeleine ne souffre pas tant que ça de sa lenteur, et les seules "blessures" sont finalement celles que moi je lui inflige en m'inquiétant ou en mettant trop de pression. Je pense qu'avec l'entrée de Rafaël à l'école, tu auras aussi l'occasion de constater à quel point c'est "chacun à son rythme", et ce dans plein de domaines.
Au final, cela m'a surtout appris à aimer mes enfants tels qu'ils sont, et pas tels que je voudrais qu'ils soient (en théorie pour leur bien-être, mais finalement... leur bien-être est là, avec leurs petits difficultés qui leur apprennent tant d'autres choses!)
Et effectivement, le prisme de la prématurité déforme pas mal de choses car quand on évoque le souci de lenteur de Madeleine avec nos parents... ils se font un plaisir de nous rappeler que Marc aussi bien que moi, nés à terme, nous étions toujours les derniers à finir les exercices en classe, qu'on mettait des heures pour les devoirs, qu'on était aussi vraiment nuls en sport... mais ça ne nous a pas empêchés de finir agrégés, d'avoir un métier, une famille et des enfants!
Bises et prends ton temps pour digérer ces nouvelles.

Marie a dit…

Comme je suis d'accord avec tout ce qui t'es ecrit......
Les medecins sont parfois vraiment pas psychologues. Quelle violence pour toi et même pour ton fiston que d'aborder tout ça lors d'un seul entretien et en plus le premier.
Et puis c'est absolument vrai que vos petits amours sont regardés, oscultés tellement et de si prêt que presque on se demande s' ils imaginent pas des problèmes. Les autres enfants ont aussi des lenteurs. C'est vrai que chacun a son rythme. Ma fille faisait du tricycle à 18 mois mais ne parlait pas, mon fils est gauche avec son corps mais est une vraie piplette.
Garde confiance, foi en ton petit bonhomme. Ne te culpabilise surtout pas.

En tout cas, tu mets toujours en mot tes emotions de façon tellement émouvante. Bravo

Carine a dit…

Anne-Laure merci pour ton témoignage toujours très poignant et tellement lucide. Je suis bien placée pour connaître le "chacun son rythme", moi même ayant traîné la patte à l'école très longtemps. Qui m'a longtemps condamnée en "échec scolaire" et pourtant j'ai quand même un bac+5 ;) . Je ne suis pas inquiète pour le devenir de Rafaël mais plutôt par le côté inattendu de la nouvelle, à digérer comme tu le précise si bien. Je t'embrasse. Marie, merci pour tes mots réchauffe moral. Toi qui travaille avec des enfants "particuliers" tu trouves les mots justes pour apaiser cette nouvelle. C'est adorable de comparer avec tes enfants nés à termes, ça fait du bien. Gros gros bisous